Coup d'Etat au Gabon, les activités du Français Eramet à l'arrêt

Au pouvoir depuis 14 ans, le président sortant Ali Bongo a fait l'objet d'un coup d'Etat au Gabon, des militaires ayant annoncé la fin du régime en place. Le chef de l'Etat « est gardé en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins », ont affirmé les militaires.

Confusion au Gabon. Des militaires ont annoncé ce mercredi mettre « fin au régime en place ». Ce coup d'Etat visant le président sortant Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans, intervient alors que le sexagénaire venait d'être réélu. Le chef de l'Etat « est gardé en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins », ont affirmé les militaires. Ils ont aussi annoncé l'arrestation du fils d'Ali Bongo, Noureddin Bongo Valentin, et d'autres personnes accusées de corruption et de trahison.

Les réactions internationales à ce nouveau coup d'Etat dans un pays d'Afrique francophone, n'ont pas tardé. La Chine a appelé à « garantir la sécurité d'Ali Bongo » tandis que la France, ex-puissance coloniale, a « condamné le coup d'Etat militaire en cours ». La Russie a fait part de sa « profonde préoccupation » tout comme le Commonwealth, organisation que le Gabon a rejoint l'an dernier.

La diplomatie française « réaffirme son souhait que le résultat de l'élection, lorsqu'il sera connu, puisse être respecté », a-t-il ajouté.

La réaction de Paris était très attendue alors qu'à la suite du coup d'État au Niger le 26 juillet dernier, la France a refusé de reconnaître le régime militaire et promis de soutenir les pays de la Communauté économique d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), dont certains membres soutiennent une action militaire contre les putschistes. Lundi, Emmanuel Macron a évoqué l'« épidémie » de coups d'État dans la région francophone d'Afrique, défendant sa politique de fermeté à l'égard des militaires au Niger. La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, avait, elle, estimé début août qu'il s'agissait du « coup d'Etat de trop ».

Face au sentiment anti-français grandissant au Sahel en particulier, avec le départ des militaires du Mali et du Burkina, la France avait lancé une réorganisation de sa présence sur le continent, l'objectif étant de réduire sensiblement le nombre de ses forces militaires prépositionnées. Au Gabon, environ 400 soldats sont encore déployés en permanence, dont certains dans la capitale Libreville, selon le ministère des Armées.

Eramet suspend ses activités

Sur le front économique, les activités du groupe minier français Eramet ont de facto été « mises à l'arrêt » au Gabon ce mercredi matin, a déclaré la société à l'AFP.

« Suite aux derniers événements en cours », le groupe a « mis à l'arrêt » ses activités au Gabon et « suit » la situation pour« protéger la sécurité de (son) personnel et l'intégrité de (ses) installations », a-t-il précisé. Eramet emploie quelque 8.000 personnes dans le pays, majoritairement gabonaises.

Cette annonce a fait chuter l'action d'Eramet à la Bourse de Paris. Le titre a perdu 18,83% à 61,85 euros vers 9h55. Vers 15 heures, l'action perdait toujours près de 14%. Le groupe est présent au Gabon à travers deux filiales. L'une d'elles, la compagnie Comilog (la compagnie minière de l'Ogooué) est spécialisée dans l'extraction de manganèse, minerai dont Eramet est le deuxième producteur mondial à haute teneur.

Le Gabon est le deuxième producteur mondial de manganèse d'après la société Coface, spécialisée en gestion des risques, un métal utilisé dans la production d'acier et de batteries. Comilog extrait 90% du manganèse issu du sous-sol gabonais, d'après des chiffres de Bercy, ce qui a représenté 4,8 millions de tonnes en 2019, le reste étant effectué par le chinois CICMHZ (Compagnie industrielle des mines de Hangzhou), et l'entreprise Nouvelle Gabon Mining (NGM), filiale du groupe indien Coalsale Group.

« Leur part de marché est tellement importante dans le manganèse que s'ils suspendent de façon trop prolongée l'activité (...), ça va se ressentir et faire grimper le cours du minerai de manganèse, et donc contrebalancer la perte liée à la baisse de volume », a déclaré à Reuters Nicolas Montel, analyste chez BNP Paribas.

« Ils arrêtent pour la sécurité de leur personnel et de leurs infrastructures (...) Donc c'est vraiment pour des raisons de sécurité à court terme, il y a pas de raison réelle pour eux d'arrêter la production au-delà de ça », a-t-il ajouté.

Egalement présent au Gabon depuis plus de 80 ans, TotalEnergies a indiqué dans un communiqué que sa priorité principale était d'« assurer la sécurité de ses employés et de ses opérations », où un groupe d'officiers de l'armée a annoncé avoir pris le pouvoir. Le groupe pétrolier français est présent au Gabon dans l'exploration et la production depuis plus de 80 ans à travers sa filiale TotalEnergies EP Gabon, ainsi que dans le marketing et les services avec son unité TotalEnergies Marketing Gabon.

Le groupe, qui compte 350 salariés au Gabon, est aussi acteur dans la distribution de produits pétroliers du pays avec 45 stations. Le titre de TotalEnergies Gabon chutait de 18,63% en Bourse de Paris, à 09h10 GMT. Vers 15 heures, il continuait de perdre 10%.

« Toutes les institutions de la République sont dissoutes »

Juste après l'annonce officielle dans la nuit de la victoire d'Ali Bongo avec 64,27% des voix, un groupe d'une douzaine de militaires est apparu sur les écrans de la chaîne de télévision Gabon 24, abritée au sein même de la présidence.

Parmi les militaires figuraient des membres de la garde républicaine (GR), unité d'élite et garde prétorienne de la présidence reconnaissable à ses bérets verts, ainsi que des soldats de l'armée régulière et des policiers.

« Nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), au nom du peuple gabonais et garant de la protection des institutions, avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », a annoncé un de ces militaires, un colonel de l'armée régulière, dans une déclaration également diffusée par la suite sur la chaîne d'Etat Gabon 1ère.

Pour justifier ce renversement, les militaires ont estimé que l'organisation des élections n'avait « pas rempli les conditions d'un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais ». Ils ont dénoncé « une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos ».

« Toutes les institutions de la République sont dissoutes, notamment le gouvernement, le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle, le Conseil économique, social et environnemental, le Centre gabonais des élections », et les frontières du Gabon resteront « fermées jusqu'à nouvel ordre », ont encore annoncé les auteurs du coup de force.

Un scrutin contesté

« A cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés », a-t-il ajouté. Quelques instants avant l'irruption des militaires sur les écrans, les résultats officiels des élections avaient été égrenés en plein milieu de la nuit, à 2h30 GMT, sur la télévision d'Etat sans aucune annonce préalable. Selon ces résultats, le principal rival d'Ali Bongo, Albert Ondo Ossa, n'a recueilli que 30,77% des voix à la présidentielle, et les douze autres candidats n'ont décroché que des miettes.

Albert Ondo Ossa avait dénoncé des « fraudes orchestrées par le camp Bongo » deux heures avant la clôture du scrutin samedi, et revendiquait alors déjà la victoire. Lundi, son camp avait exhorté Ali Bongo à « organiser, sans effusion de sang, la passation du pouvoir ». Albert Ondo Ossa, 69 ans, avait été choisi seulement huit jours avant le scrutin par la principale plateforme des partis de l'opposition, Alternance 2023, au terme d'une âpre lutte entre six prétendants.

Confusion

Pour rappel, Ali Bongo, 64 ans, a été élu en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui avait dirigé le Gabon pendant plus de 41 ans. Omar Bongo était l'un des plus proches alliés de la France dans l'ère post-coloniale et Ali est un habitué à Paris, où sa famille possède un vaste portefeuille immobilier qui fait l'objet d'une enquête de la part des magistrats anti-corruption.

Emmanuel Macron s'était, lui, rendu au Gabon en mars dernier à l'occasion du Sommet sur les forêts, une visite perçue par certaines personnalités de l'opposition comme un soutien à Bongo avant la présidentielle. Lors d'un discours à Libreville, le président français avait toutefois nié toute ambition d'intervention en Afrique, affirmant que l'ère de l'ingérence était « révolue ».

L'opposition a régulièrement dénoncé la perpétuation d'une « dynastie Bongo » de plus de 55 ans à ce jour. Ali Bongo briguait un troisième mandat, réduit de 7 à 5 ans, aux élections de samedi qui regroupaient trois scrutins, présidentiel, législatifs et municipaux. Ce coup d'Etat est intervenu en plein couvre-feu, et alors que l'internet était coupé dans tout le pays, deux mesures décrétées par le gouvernement samedi avant la fermeture des bureaux de vote afin de parer selon lui à d'éventuelles « violences ». Internet a été rétabli peu après 7 heures GMT (9 heures, heure de paris), selon un journaliste de l'AFP.

Un précédent en 2019

D'après des témoignages, sur le grand boulevard du bord de mer menant au centre-ville, quelques véhicules dont un blindé transportant des troupes ont été aperçus. Dans le quartier populaire Plein Ciel de Libreville, non loin du centre, un membre du personnel de l'AFP a vu une centaine de personnes sur un pont, à pied ou en voiture, crier : « C'est la libération ! » ou encore « Bongo dehors ! ». Au son des klaxons, ils ont salué et applaudi des policiers en tenue anti-émeutes au visage masqué.

À Port-Gentil, la capitale économique, sur la place du Château d'eau dans un quartier très populaire et bastion traditionnel de l'opposition, des centaines de personnes sont sorties en voiture en klaxonnant au cri de « Le Gabon est libéré ». Certains dansent avec des policiers et des militaires en tenue, a rapporté Ousmane Manga, journaliste indépendant contacté par téléphone par l'AFP.

Si le coup d'Etat se confirme, il représenterait le huitième renversement de pouvoir en Afrique de l'Ouest et centrale depuis 2020, un mois seulement après le putsch de l'armée au Niger. Des juntes militaires ont aussi pris le pouvoir au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Tchad. Le contexte au Gabon est toutefois différent du Niger et des autres pays de la région du Sahel, où une violente insurrection islamiste a érodé la confiance de la population dans les gouvernements élus démocratiquement.

Ce n'est pas la première fois que le Gabon est visé par un coup d'Etat. En janvier 2019, quelques mois après un accident vasculaire cérébral dont a été victime Ali Bongo, une tentative de coup d'État avait été menée par des soldats. Ils s'étaient alors brièvement emparés de la station de radio publique pour diffuser un message indiquant que le président n'était plus apte à exercer ses fonctions. La situation avait été rétablie quelques heures plus tard, après que deux des putschistes présumés ont été tués et d'autres arrêtés.

Source : latribune.fr

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