EDF sort de la bourse ce jeudi. L'Autorité des marchés financiers avait annoncé fin mai l'échéance du 8 juin, date à laquelle les actionnaires seraient contraints de vendre leurs parts, permettant ainsi à l'Etat de détenir 100% du capital et donc de renationaliser complètement EDF.
EDF sort jeudi de la bourse, près d'un an après la décision du gouvernement de reprendre totalement la main sur le destin du géant de l'énergie pour relancer le nucléaire en France et réindustrialiser le pays tout en décarbonant son économie. L'Autorité des marchés financiers (AMF) avait annoncé fin mai l'échéance du 8 juin, date à laquelle les actionnaires détenteurs des 2% de titres encore en circulation seraient contraints de vendre leurs parts, permettant ainsi à l'Etat de détenir 100% du capital et donc de renationaliser complètement EDF. "Quand on aborde une période avec autant de défis énergétiques, (...) le fait d'avoir un seul actionnaire, évidemment, permet d'avoir un alignement complet sur une vision de long terme", a relevé jeudi le nouveau patron d'EDF, Luc Rémont, lors du congrès annuel de l'Union française de l'électricité (UFE).
Ce "retrait obligatoire" de la Bourse contraint les derniers récalcitrants à se défaire de leur bas de laine pour 12 euros nets par titre, soit, précisément, 2,19% du capital, 91.454.896 d'actions EDF et 1,99% des droits de vote de la société. Il intervient après des mois de bataille judiciaire autour de ce prix, jugé trop bas par les petits actionnaires dont certains avaient misé une large de part de leurs économies sur l'avenir d'EDF. De multiples recours ont été engagés pour obtenir 15 euros a minima, mettant des bâtons dans les roues de cette OPA, avant qu'in fine, la justice ne rejette début mai, leur ultime action.
A l'ouverture du capital en 2005, l'action avait été introduite à 32 euros, avec une remise de 20% pour les salariés. Chiffré à 9,7 milliards d'euros, le rachat de l'électricien français avait été annoncé en juillet 2022 par la Première ministre Elisabeth Borne. Le prix de rachat illustre les déboires rencontrés par le groupe ces dernières années, aux prises notamment avec un parc nucléaire vieillissant, frappé cet hiver par de longues périodes d'indisponibilité.
Sombre situation financière
Avec cette OPA, l'Etat, qui détenait jusqu'à ces derniers mois 84% de l'entreprise, souhaite reprendre la main sur l'électricien national, afin d'accélérer la relance du nucléaire, avec la construction d'au moins six nouveaux réacteurs. En attendant la mise en service de ces nouvelles unités, au mieux en 2035-37, la France et EDF vont devoir mettre les bouchées doubles pour développer les énergies renouvelables et rattraper leur retard par rapport à leurs voisins européens. L'enjeu est crucial pour la souveraineté énergétique du pays: le gestionnaire du réseau de haute tension RTE a considérablement revu à la hausse mercredi sa prévision de consommation d'électricité d'ici à 2035, tirant les conséquences du relèvement des objectifs climatiques européens et de la réindustrialisation voulue par le gouvernement.
En conséquence, la France va devoir doubler sa production en solaire et autre éolien d'ici à 2035, souligne RTE dans cette analyse destinée à éclairer le débat public avant l'élaboration d'ici la fin 2023 de la stratégie énergétique du pays. Seul hic, la marge de manœuvre financière d'EDF semble inexistante: lors de la présentation de ses résultats annuels 2022 mi-février, l'énergéticien avait annoncé une dette nette record de 64,5 milliards d'euros. Celle-ci est la conséquence d'une production électrique historiquement basse l'an dernier, en lien avec la découverte d'un phénomène de corrosion dans certaines centrales nucléaires. Mais l'entreprise paie aussi sa contribution forcée au "bouclier tarifaire" décidé par le gouvernement.
Pour contenir la facture des ménages et des entreprises, l'Etat a obligé le groupe à vendre en 2022 davantage d'électricité à bas prix à ses concurrents, fournisseurs alternatifs. Une mesure au coût exorbitant pour l'opérateur historique: 8,34 milliards d'euros. Ce mécanisme par lequel EDF est contraint de vendre cette électricité à bas coûts, l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), doit s'éteindre en 2025. Le flou règne autour de la suite. Luc Rémont demande son abandon, fustigeant "une sous-rémunération de l'entreprise". Le gouvernement a assuré en mars que les contours du financement du nouveau nucléaire seraient fixés d'ici "la fin de l'année". Le temps presse, le coût estimé pour la construction des six premiers réacteurs EPR étant chiffré, selon les dernières estimations d'EDF, à 51 milliards d'euros, somme impossible à supporter par cette entreprise seule.
Source : capital.fr