Malgré la tempête des tarifs douaniers et le recul de ses ventes au premier trimestre, le géant du luxe compte garder le cap de sa stratégie durable. Proposer davantage de produits rechargeables et avoir moins de transport par avion est crucial pour maîtriser le risque climat.
Face aux incertitudes économiques et aux vents contraires venus des Etats-Unis, petits reculs et grands renoncements se multiplient partout en matière de développement durable et d'ambitions sociales. Mais pas chez LVMH. Le numéro un mondial du luxe, qui a réalisé 84,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2024, a tenu à faire savoir qu'au contraire, il continuerait sa route. «On garde le cap», avait déjà martelé Antoine Arnault, en fin d'année, en sa qualité de directeur image et environnement du groupe, à l'occasion d'une remise de prix pour les boutiques les plus durables du géant du luxe.
A quelques heures de l'assemblée générale qui doit réunir ses actionnaires, jeudi 17 avril, les équipes de LVMH ont tenu à le rappeler à nouveau. Le groupe est «sur un chemin de durabilité», a insisté Hélène Valade, directrice développement environnement de l'entreprise, heureuse de pouvoir dire que l'ambition environnementale n'est plus seulement une volonté des équipes du siège, mais «une composante naturelle du travail des équipes». La cheffe d'orchestre de ces sujets considère même que 2024 aura été «l'année d'intégration de la durabilité dans les métiers du groupe».
Louis Vuitton a ouvert 14 centres de réparation l'an dernier
Tous les indicateurs du suivi de la trajectoire inscrits dans le programme Life 360 sont orientés dans le bon sens. A date, déjà 33% des matières à l'origine des produits et packagings du groupe sont issus d'un processus de recyclage. Surtout, LVMH aurait vendu ou fourni plus de 10 millions de produits et services dotés d'un système de réparation ou d'échange. Bien que cet indicateur mélange «des choux et des carottes», comme l'admet Hélène Valade, il permet de donner un ordre de grandeur du nombre d'opérations ayant permis de prolonger la durée de vie d'un produit ou d'un contenant, donc un moindre recours à l'usage de matières premières. Sont par exemple comptabilisées dans ce chiffre les 400 réparations de montres, vêtements ou chaussures effectuées dans l'atelier Retouche du Bon Marché. Et ce chiffre devrait encore progresser, alors que Louis Vuitton a investi plus de 107 millions d'euros l'an dernier, pour ouvrir 14 centres de réparation à travers le monde.
«Ca prend la lumière et va progresser», assure Hélène Valade. Côté cosmétiques, outre la mise en place d'un programme d'agriculture régénérative pour la culture de la betterave et donc la production de l'alcool des parfums pour Christian Dior, en partenariat avec le sucrier Cristal Union, c'est la logistique d'approvisionnement des produits qui occupe les patrons de marques. Alors que les articles sont quasiment tous fabriqués en France et vendus à travers le monde, les équipes font la chasse au transport aérien. «Les présidents des parfums et cosmétiques suivent leur ratio air-mer autant que leur courbe de chiffre d'affaires», a notamment rappelé la responsable des questions environnementales.
Même à mi-parcours (l'échéance de Life 360 étant fixée à 2030), les résultats sont là. «On a décarboné notre croissance : entre 2019 et 2024, nous sommes passés de 132 grammes de CO2 par euro de chiffre d'affaires, à 89 grammes», se félicite Hélène Valade. Louis Vuitton, Sephora, Dior et autres Moët Hennessy ont même été plus vite que prévu. «Sur les scopes 1 et 2 (correspondant à la mesure des émissions de CO2 dues à l'activité de production du groupe, ainsi qu'à ses consommations d'énergie en général, NDLR), on a atteint nos objectifs avec deux ans d'avance», précise-t-elle. Désormais, les énergies renouvelables représentent 71% du mix énergétique des maisons, ce qui a permis de faire baisser de 55% leurs émissions de carbone sur la période. Bien que le scope 3 représente la très large partie de l'empreinte totale du groupe (97%) puisqu'il s'agit de mesurer et réduire les émissions de carbone en amont et en aval de la chaîne de valeur des maisons (production des matières premières…), ce résultat encourage le leader mondial du luxe à faire un pas de plus. «Nous allons rehausser notre ambition sur les scopes 1 et 2 à l'automne prochain», prévient Hélène Valade qui estime que la mutualisation de la logistique aura beaucoup de bénéfices. Même s'il n'est pas simple ni évident pour le moment de mettre des sacs Louis Vuitton et des modèles Dior dans le même camion…
«Pas de retour en arrière», promet la directrice développement environnement.
Interrogée sur le ralentissement des politiques environnementales, elle croit à un maintien. «Il y aura peut-être un peu de pause chez certains, mais pas de retour en arrière. Ce ne sont pas des concepts, on est face à des conséquences physiques du changement climatique. L'ensemble du monde économique a pris la mesure du sujet et est en train de calculer les risques économiques liés au Climat», assure Hélène Valade.
Pour le géant mondial du luxe, qui présentait le même jour l'évolution de ses ventes au premier trimestre 2025, en recul de 2%, le sujet de la durabilité ne sera pas enterré pour raisons économiques. « C'est notre conviction et une composante essentielle de la marque employeur et de notre réputation», a insisté Hélène Valade.
«Nous faisons face à des incertitudes macro-économiques, mais restons confiants et vigilants, après des années de croissance exceptionnelle», a indiqué Cécile Cabanis, la directrice financière de LVMH, lors d'une conférence téléphonique de présentation du chiffre d'affaires du premier trimestre. Interrogée sur les effets de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et le reste du monde, la directrice financière a tenu à rassurer. «Nous ne voyons pas de changement de tendance majeur sur le premier trimestre». Avant de préciser que des évolutions de comportements commencent à émerger, plutôt «ces dernières semaines» et «sur les parfums, cosmétiques et spiritueux» .
Cette semaine est celle de LVMH, avec l'assemblée générale annuelle du groupe prévue jeudi. Cette année, l'une des résolutions mises au vote des actionnaires concerne la demande faite de repousser l'âge limite de son PDG, Bernard Arnault (76 ans). Actuellement fixé à 80 ans, il est demandé de le repousser jusqu'à 85 ans. Une autre forme de durabilité.
Source : capital.fr
