Pernod Ricard : le bénéfice s'effondre mais le groupe voit le bout du tunnel

Pénalisé par une « normalisation du marché » et une baisse de la consommation en Chine et aux Etats-Unis, le numéro deux mondial du secteur des spiritueux a publié, ce jeudi, un résultat net annuel de 1,48 milliard d'euros, soit une chute de 35% sur un an. Un coup dur cependant largement compensé par les perspectives de 2024/2025.

Les Chinois et les Américains boivent moins de spiritueux, et le géant français du secteur en fait les frais. Pernod Ricard a publié, ce jeudi, un résultat net annuel en repli de 35% à 1,48 milliard d'euros pour son exercice décalé 2023/24. Le numéro deux mondial du secteur - propriétaire du pastis Ricard, du whisky Jameson, de la vodka Absolut, du cognac Martell et des champagnes Mumm -, avait réalisé deux années de forte croissance après la pandémie avec, notamment, un bénéfice net de 2,26 milliards d'euros sur l'exercice 2022/2023.

Sur son nouvel exercice, clôturé fin juin, les ventes se sont aussi tassées, s'établissant à 11,6 milliards d'euros (-4%) et son résultat courant, ne prenant pas en compte les opérations de dépréciation, a perdu 14,5% à 2 milliards d'euros.

«Pernod Ricard réalise une performance solide sur l'exercice 2023/24 dans un environnement économique et géopolitique incertain et marqué par la normalisation du marché des spiritueux après deux années de croissance exceptionnelle post-Covid», a commenté son PDG Alexandre Ricard, cité dans un communiqué.

Baisse de la consommation en Chine

La plupart des régions sont touchées par cette baisse des ventes, notamment le marché clé des Etats-Unis (avec un chiffre d'affaires en baisse organique de 9%), où Pernod Ricard réalise un cinquième de ses ventes. La région a été frappée par un problème de surstockage lors de l'année écoulée, les commandes des cavistes ayant été trop importantes par rapport aux ventes.

Sur un autre marché clé, la Chine (10% des ventes du groupe), le chiffre d'affaires est également en repli organique (-10%). Le groupe pointe un « contexte macroéconomique difficile pesant sur la demande des consommateurs ». Le géant asiatique est en proie à une crise inédite de son vaste secteur immobilier, une confiance morose des ménages et des entreprises, ce qui pénalise la consommation. D'ailleurs, au deuxième trimestre, la croissance s'est fortement tassée sur un an (+4,7%), selon des chiffres officiels publiés mi-juillet. Ce rythme était en deçà des attentes d'analystes et de celui du premier trimestre (+5,3%). Il est aussi le plus faible depuis début 2023, quand la Chine levait ses restrictions draconiennes contre le Covid-19, qui pénalisaient l'activité. Par ailleurs, les ventes au détail n'ont progressé en juin que de 2% sur un an. L'essoufflement de cet indicateur clé traduit une consommation toujours morose.

Et le vendeur de spiritueux n'est pas le seul à souffrir de la consommation chinoise. Son concurrent Rémy Cointreau a vu son chiffre d'affaires reculer de 15,7% au premier trimestre de son exercice décalé à cause du déstockage qui pèse « notamment aux Etats-Unis », en plus de l'inflation et d'une « activité promotionnelle accrue » en Europe, d'un « ralentissement de la consommation en Asie du Sud Est » et de la « poursuite des déstockages » du whisky en Chine.

De son côté, le géant du luxe et des spiritueux LVMH a annoncé, fin juillet, une baisse de 14% de son bénéfice net au premier semestre. Les ventes du groupe de Bernard Arnault ont elles aussi reculé de 1% à 41,68 milliards d'euros, « dans un climat d'incertitudes économiques et géopolitiques ». Concernant les ventes de vins et spiritueux du groupe, celles-ci ont chuté de 12% à 2,8 milliards d'euros. Elles sont marquées par une baisse de consommation du champagne dans un contexte « de normalisation » de la demande selon le groupe, ainsi que par un cognac pénalisé par une faible demande en Chine.

Optimisme pour le second semestre

Si les temps sont durs pour le luxe et particulièrement les spiritueux, Pernod Ricard se réjouit toutefois d'une amélioration « progressive » des volumes pour la plupart des marchés au second semestre. Si sa marge brute est également en baisse sur l'exercice (-4%), Pernod Ricard se félicite d'un « strict contrôle des coûts »« d'efficacités opérationnelles » et d'un « effet prix » qui lui ont permis une croissance de sa marge opérationnelle organique de 0,8 point.

Pour son prochain exercice, Pernod Ricard prévoit« un retour à la croissance organique du chiffre d'affaires, avec une amélioration progressive des volumes ».
 
Le groupe dit réitérer avec confiance son ambition de moyen terme d'une croissance organique du chiffre d'affaires « dans le haut d'une fourchette comprise entre 4-7% » et d'« une croissance organique de la marge opérationnelle courante de +50 à +60 points de base ».

Un optimisme qui a plu aux investisseurs et qui a fait monter le cours de l'entreprise de 4,16% à 11h à la Bourse de Paris, à 133,95 euros.

Vers le retour de la consommation chinoise?

La reprise pourrait notamment venir de l'Est puisque pour tenter de relancer la consommation et l'économie chinoise, le président Xi Jinping avait appelé en mai à faire de la lutte contre le chômage des jeunes la « priorité absolue ». Dans le même temps, la Banque centrale de Chine a abaissé plusieurs de ses taux directeurs fin juillet. Enfin, début août, la Chine a publié un plan pour stimuler la consommation des ménages.

Aux Etats-Unis cependant, Pernod Ricard prévoit « des ajustements de stocks supplémentaires en 2024/25 ».

Au final,« le super cycle que le secteur (du luxe et des spiritueux, ndlr) a connu pendant la reprise post-pandémie semble toucher à sa fin et nous allons vers une normalisation de l'activité»,expliquait àLa Tribune, en février, Charles-Louis Scotti, analyste chez Kepler Cheuvreux, responsable de la recherche dans le secteur du luxe.
Ce dernier table notamment sur une croissance annuelle des ventes de 6% pour le secteur entre 2023 et 2026 contre 11% entre 2019 et 2023.
 
Source : latribune.fr