Les bureaux d'études sont partagés sur Vivendi, après la prise d'indépendance de Havas, Canal+ et Louis Hachette Group. Barclays et Oddo BHF sont optimistes sur le potentiel de la chaîne cryptée à Londres.
En quelques jours, Vivendi a complètement changé de visage. Lundi, la société s'est scindée en quatre avec l'introduction en Bourse de Canal+ à Londres, d'Havas à Amsterdam, et de Louis Hachette Group sur Euronext Growth, le compartiment de la Bourse de Paris dédié aux petites et moyennes capitalisations.
Maintenant que cette séparation en quatre est effective, Vivendi ne possède plus qu'une seule société à 100% à savoir l'éditeur de jeux vidéo Gameloft. Le groupe détient autrement nombre de participations dans des entreprises cotées, telles que sa part de 9,9% dans Universal Music Group, celle de 12% dans le groupe de médias espagnols Prisa, ses 23,7% dans Telecom Italia ou encore ses 19,8% dans MediaforEurope (ex-Mediaset).
In fine, Vivendi ressemble désormais beaucoup à une société de portefeuille, avec une galaxie de participations minoritaires. Sa capitalisation boursière est tombée à 2,6 milliards d'euros, ce qui a d'ailleurs amené le conseil scientifique d'Euronext à l'éjecter du CAC 40, à compter de lundi prochain.
Le titre a toutefois fortement progressé à l'occasion de cette scission. L'action Vivendi a gagné 41,7% lundi, par rapport à son cours de clôture technique de 1,84 euro de vendredi. L'action s'est depuis à peu près maintenue autour de 2,5-2,6 euros.
Des catalyseurs pour Vivendi?
Comment peut-elle évoluer au cours des prochains mois? Deutsche Bank se montre prudente. Après la scission, l'établissement d'outre-Rhin a abaissé son conseil d'"acheter" à "conserver", mardi, sur Vivendi.
Deutsche Bank note que l'endettement de la société, qui représente, selon elle, 70% de sa capitalisation boursière, risque de freiner le retour à l'actionnaire (le versement de dividendes ou les rachats d'actions) à court et moyen terme.
La banque retient un objectif de cours de 2,9 euros (contre une action qui cote actuellement autour de 2,5 euros) qui se base sur les valorisations de marché des différentes sociétés cotées de son portefeuille auxquelles la banque applique une décote de holding de 30%. Deutsche Bank en déduit que le potentiel n'est pas assez élevé pour rester à l'achat. D'autant qu'elle ne perçoit pas de catalyseur à court terme.
UBS s'avère plus optimiste. La banque suisse est à l'achat sur le titre avec une cible de 3 euros. Contrairement à Deutsche Bank, l'établissement helvétique identifie plusieurs catalyseurs pour l'action. Elle évoque une réduction des coûts de structures, qui s'étaient élevés à 130 millions d'euros en 2023 et qui semblent désormais bien trop gros au vu des actifs qui restent dans le giron de Vivendi.
"Nous notons que Prosus (un groupe néerlandais, NDLR), qui gère un plus grand nombre d'actifs, a des coûts de structure de 173 millions d'euros en 2023", explique UBS.
Should I stay or should I go?
Autre catalyseur mentionné: une hausse du cours d'Universal Music Group (UMG). La part d'un peu moins de 10% de Vivendi dans la maison de disques vaut à elle seul plus de 4 milliards d'euros, en valeur de marché. Une hausse du titre UMG entraînerait donc dans son sillage Vivendi.
Or "il y a de bonnes raisons de penser que les labels sont sur le point d'accélérer à nouveau la croissance de leurs revenus provenant des abonnements payants à la diffusion en continu au cours du second semestre 2025, car ils bénéficient du lancement de paliers super-premium et de minima par abonné plus élevés dans leurs contrats avec les plateformes", fait valoir UBS.
Barclays a de son côté repris la couverture de Vivendi avec une opinion à "surpondérer", équivalent d'acheter, avec une cible à 3,25 euros. Le groupe britannique a basé son conseil sur des paris de moyen terme.
Dans une note intitulée "should I stay or should I go?" (référence à la chanson des Clash) la banque résume simplement la situation: post-scission en quatre entreprises, Vivendi est désormais une société d'investissement dont 95% de la valeur réside dans des participations d'entreprises cotées. Si Vivendi cède ces participations, son potentiel de hausse est important (près de 40%), alors que si elle conserve ses participations (ou choisi de les vendre pour les réinvestir dans d'autres participations minoritaires), son potentiel de hausse reste limité à 10%. Barclays penche pour la première possibilité avec une probabilité de 60%.
Pour Canal+, les bureaux d'études sont plus optimistes. Lundi, la chaîne cryptée a connu des débuts difficiles à Londres perdant près de 30%. Son action connaît depuis une grande volatilité. Ce qui peut être causé par les ajustements de sa base actionnariale: tous les actionnaires qui ont hérité des actions Canal+ lors de la scission n'ont pas forcément vocation à rester à long terme dans le capital.
Mercredi, Oddo BHF a entamé la couverture de l'action avec une recommandation à "surperformance", équivalent d'acheter. "Certes le momentum (la dynamique de l'action, NDLR) devrait être mou à court terme, mais la valorisation particulièrement faible justifie notre opinion", souligne le bureau d'études.
Canal+ est sous-valorisée
Le courtier anticipe une croissance de 7% par an du résultat opérationnel retraité (Ebita) de la société d'ici à 2027. Ce , "principalement sous l’effet d’une progression de la marge opérationnelle de Canal+ Europe et une poursuite de la croissance du chiffre d'affaires de Canal+ Afrique et Asie", développe le courtier .
"La gestion plus pragmatique de la base de coûts en France avec, par exemple, l’abandon des droits de la L1 et du contrat 'Disney' (films, séries et plateforme Disney+) va soutenir cette hausse", poursuit-il.
En parallèle, Oddo BHF voit le flux de trésorerie disponible progresser plus fortement que l'Ebita, attendant 693 millions d'euros en 2027 contre 16 millions d'euros en 2023. "Pourquoi ? Car le groupe devrait enregistrer moins d’investissements de contenus après des sorties de cash importante liées à certains droits sportifs et cinéma", explique le bureau d'études.
En sus, Oddo BHF souligne que Groupe Bolloré, qui détient 31,04% du capital après la scission de Vivendi, pourrait se renforcer au capital. "Le groupe sera coté à la Bourse de Londres mais restera domicilié et fiscalisé en France. De ce fait, Canal+ ne sera pas soumis à titre obligatoire à la réglementation boursière sur les offres publiques au Royaume-Uni ou en France. Bolloré SE n'aura donc pas d’obligation d’offre publique sur tous les titres s’il vient à acquérir des titres à l’avenir", explique le courtier.
Barclays a également initié mercredi son conseil à "surpondérer" sur le titre. La banque britannique estime que la chaîne cryptée offre beaucoup de valeurs avec, certes, aussi un lot important d'incertitudes, notamment sur le rachat du groupe sud-africain Multichoice. Mais la banque a beau "jeter" tout ce qu'elle peut dans ses calculs, elle conclut que Canal+ est largement sous-valorisée.
"Lorsque nous incluons ce que nous considérons comme le scénario le plus défavorable dans notre somme des parties (une méthode de valorisation en Bourse qui consiste à valoriser à part chacune des activités puis à les additionner, NDLR), nous voyons encore une valeur potentielle décente dans Canal+", écrit-elle.
Toutefois Barclays précise que la patience est de mise car elle juge qu'il faudra attendre 2026 pour avoir la première année où les résultats de la société ne seront pas pollués par des éléments exceptionnels.
Cité par Bloomberg, Bernstein partage l'optimisme des autres bureaux d'études, jugeant que Canal+ a gardé sa pertinence dans "un monde dominé par Netflix".
Source : BFM Bourse